Arrêts du Conseil d’Etat n° 465913 et n° 469071 du 17 octobre 2023.

La société Maugin a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner la commune de Viry-Châtillon à lui verser une somme de 23 090,29 euros HT, soit 27 615,99 euros TTC, assortie des intérêts moratoires à compter du 29 mai 2014 et de leur capitalisation, en réparation de la faute résultant du refus de paiement direct des prestations qui lui ont été confiées par la société S3C Construction, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement sous astreinte de 500 euros par jour de retard. Par un jugement n° 1605133 du 11 février 2019, le tribunal administratif a rejeté cette demande.
Par un arrêt n° 19VE01184 du 19 mai 2022, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur appel de la société Maugin, condamné la commune de Viry-Châtillon à verser à cette société la somme de 23 090,29 euros HT et la TVA afférente, assortie des intérêts moratoires à compter du 29 mai 2014 et de leur capitalisation, réformé le jugement en conséquence et rejeté le surplus des conclusions de la société Maugin.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 19 juillet et 19 octobre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Viry-Châtillon demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la société Maugin ;
3°) de mettre à la charge de la société Maugin la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des marchés publics ;
- la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Elise Adevah-Poeuf, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Nicolas Labrune, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gadiou, Chevallier, avocat de la commune de Viry-châtillon et à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Maugin ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la commune de Viry-Châtillon et la société S3C Construction ont conclu un marché public de travaux portant notamment sur la réhabilitation de trois écoles maternelles. Par acte spécial du 23 janvier 2013, signé par la commune le 30 janvier 2013, la société S3C Construction a confié à la société Maugin la fabrication de menuiseries, le montant maximum des sommes à régler à cette dernière, par paiement direct du maître d'ouvrage, étant fixé à 147 178,08 euros HT, soit 176 024,98 euros TTC. La société S3C Construction a émis, le 14 janvier 2014, un acte spécial modificatif, signé par la commune le 2 avril 2014 et notifié le lendemain à la société Maugin, réduisant le montant des sommes à lui verser à 113 325,82 euros HT, soit 135 537,68 euros TTC, correspondant à celles déjà servies à l'intéressée. La société Maugin, par courrier adressé à la société S3C Construction le 3 février 2014, a contesté les moins-values ainsi appliquées et demandé que lui soit réglée, sous huit jours, la somme de 34 913,79 euros HT. Le 24 février 2014, la société S3C Construction s'est opposée à cette demande. Par courrier du 9 avril 2014, la société Maugin, admettant le bien-fondé de certaines de ces moins-values, a transmis à la société S3C Construction une demande de paiement pour la somme de 23 090,29 euros HT, soit 27 615,99 euros TTC. En l'absence de réponse de l'entreprise titulaire, la société Maugin a sollicité le paiement direct de cette dernière somme auprès de la commune de Viry-Châtillon par un courrier du 12 mai 2014. Par une décision du 30 mai 2014, cette commune a rejeté sa demande. La société Maugin a alors demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner cette commune à lui verser cette même somme, assortie des intérêts moratoires à compter du 29 mai 2014 et de la capitalisation. Par un jugement du 11 février 2019, ce tribunal a rejeté sa demande. La commune de Viry-Châtillon se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 19 mai 2022 de la cour administrative d'appel de Versailles qui l'a condamnée à verser à la société Maugin la somme de 23 090,29 euros HT et la TVA afférente, assortie des intérêts moratoires à compter du 29 mai 2014.
2. En premier lieu, il ressort de la minute de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel a analysé les mémoires produits devant elle par les parties, satisfaisant aux exigences résultant de l'article R.741-2 du code de justice administrative. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêt serait pour ce motif entaché d'irrégularité doit être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance : " Au sens de la présente loi, la sous-traitance est l'opération par laquelle un entrepreneur confie par un sous-traité, et sous sa responsabilité, à une autre personne appelée sous-traitant l'exécution de tout ou partie du contrat d'entreprise ou d'une partie du marché public conclu avec le maître de l'ouvrage ". Aux termes de l'article 6 de la même loi : " Le sous-traitant direct du titulaire du marché qui a été accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l'ouvrage est payé directement par lui pour la part du marché dont il assure l'exécution (...) ".
4. Les décisions d'accepter une entreprise en qualité de sous-traitante et d'agréer ses conditions de paiement ne sont susceptibles d'ouvrir à celle-ci un droit au paiement direct de ses prestations que pour autant que ces prestations relèvent effectivement du champ d'application de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, lequel ne concerne que les prestations relatives à l'exécution d'une part du marché, à l'exclusion de simples fournitures au titulaire du marché conclu avec le maître de l'ouvrage. Des biens présentant des spécificités destinées à satisfaire des exigences particulières d'un marché déterminé ne peuvent être regardés, pour l'application de ces dispositions, comme de simples fournitures.
5. Par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel a retenu, au terme d'une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que la société Maugin avait fourni des menuiseries présentant des spécifications techniques déterminées conformément au cahier des clauses techniques particulières et fabriquées spécialement pour les besoins du marché et qu'elle était intervenue sur le chantier pour participer à leur pose. Par suite, c'est sans erreur de droit que la cour a jugé que le contrat liant la société Maugin avec le titulaire du marché présentait le caractère d'un contrat de sous-traitance et que cette société avait ainsi droit à être payée directement par le maître d'ouvrage pour la part du marché dont elle avait assuré l'exécution.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 116 du code des marchés publics, dans sa rédaction applicable au litige : " Le sous-traitant adresse sa demande de paiement libellée au nom du pouvoir adjudicateur au titulaire du marché, sous pli recommandé avec accusé de réception, ou la dépose auprès du titulaire contre récépissé./ Le titulaire dispose d'un délai de quinze jours à compter de la signature de l'accusé de réception ou du récépissé pour donner son accord ou notifier un refus, d'une part, au sous-traitant et, d'autre part, au pouvoir adjudicateur ou à la personne désignée par lui dans le marché./ Le sous-traitant adresse également sa demande de paiement au pouvoir adjudicateur ou à la personne désignée dans le marché par le pouvoir adjudicateur, accompagnée des factures et de l'accusé de réception ou du récépissé attestant que le titulaire a bien reçu la demande ou de l'avis postal attestant que le pli a été refusé ou n'a pas été réclamé./ Le pouvoir adjudicateur ou la personne désignée par lui dans le marché adresse sans délai au titulaire une copie des factures produites par le sous-traitant (...) ". Aux termes de l'article 8 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance : " L'entrepreneur principal dispose d'un délai de quinze jours, comptés à partir de la réception des pièces justificatives servant de base au paiement direct, pour les revêtir de son acceptation ou pour signifier au sous-traitant son refus motivé d'acceptation./ Passé ce délai, l'entrepreneur principal est réputé avoir accepté celles des pièces justificatives ou des parties de pièces justificatives qu'il n'a pas expressément acceptées ou refusées./ Les notifications prévues à l'alinéa 1er sont adressées par lettre recommandée avec accusé de réception ".
7. Il résulte de ces dispositions que, si l'entrepreneur principal dispose d'un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle il a été saisi par le sous-traitant d'une demande tendant à son paiement direct par le maître d'ouvrage, pour faire connaître son acceptation ou son refus motivé, il doit, faute d'avoir formulé un tel refus dans ce délai, être regardé comme ayant accepté définitivement la demande de paiement. Dès lors, le refus qu'il exprimerait après l'expiration du délai de quinze jours ne saurait constituer un refus motivé, au sens de ces dispositions.
8. En l'espèce, la cour administrative d'appel a souverainement constaté que si la société S3C Construction s'était opposée, le 24 février 2014, à la demande de paiement présentée par la société Maugin le 3 février 2014, qui portait sur la somme de 34 913,79 euros HT, elle n'avait pas opposé de refus motivé dans le délai de quinze jours à la seconde demande faite par la société Maugin le 9 avril 2014, qui portait sur un montant différent, ramené à 23 090,29 euros HT après prise en compte des moins-values acceptées par cette dernière. En l'état de ses constatations souveraines, exemptes de dénaturation, la cour a pu juger, sans erreur de droit, que le titulaire du marché devait être regardé comme ayant définitivement accepté la demande de paiement direct du 9 avril 2014, pour en déduire que la commune n'était pas fondée à se prévaloir d'un refus du titulaire du marché pour rejeter cette dernière demande de paiement direct.
9. En dernier lieu, en jugeant qu'il n'était pas établi que la société Maugin n'aurait pas réalisé effectivement les travaux en cause ou que leur consistance ne correspondrait pas aux stipulations du marché, la cour administrative d'appel s'est livrée, sans les dénaturer, à une appréciation souveraine des faits de l'espèce et n'a pas commis d'erreur de droit.
10. Il résulte de ce qui précède que la commune de Viry-Châtillon n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Viry-Châtillon la somme de 3 000 euros au titre des mêmes dispositions.
Décide :
Article 1er : Le pourvoi de la commune de Viry-Châtillon est rejeté.
Article 2 : La commune de Viry-Châtillon versera à la société Maugin une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la commune de Viry-Châtillon et à la société Maugin.
Référence : Arrêt du Conseil d’Etat n° 465913 du 17 octobre 2023.
Arrêt du Conseil d’Etat n° 469071
Vu la procédure suivante :
La société NGE Infranet a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner le Syndicat intercommunal d'énergies du département de la Loire (" SIEL Territoire d'énergie Loire "), maître d'ouvrage, dans le cadre de l'exécution des lots n°s 16 et 17 du marché public de travaux portant sur le réseau de desserte en fibre optique, au paiement des sommes de 42 963,91 euros, 110 254,37 euros et 231 145,50 euros toutes taxes comprises, au titre des prestations qu'elle a réalisées respectivement pour les points de mutualisation n°s 170, 171 et 161 en sa qualité de sous-traitante du groupement d'entreprises solidaires, composé des sociétés Serpollet (mandataire), Serpollet.com et SERP, titulaire de ce marché. Par un jugement n° 1804652 du 9 juillet 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 20LY02597 du 22 septembre 2022, la cour administrative d'appel de Lyon a, sur appel de la société NGE Infranet, réformé ce jugement et condamné le SIEL Territoire d'énergie Loire à lui verser une somme de 42 963,91 euros toutes taxes comprises au titre des prestations qu'elle a réalisées pour le point de mutualisation n° 170, et a rejeté le surplus de ses conclusions.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 22 novembre 2022, 20 février et 18 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le SIEL Territoire d'énergie Loire demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il l'a condamné ;
2°) de rejeter le pourvoi incident formé par la société NGE Infranet ;
3°) de mettre à la charge de la société NGE Infranet la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des marchés publics ;
- la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Hervé Cassara, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Nicolas Labrune, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Bauer-Violas - Feschotte-Desbois - Sebagh, avocat du Syndicat intercommunal d'énergies du département de la Loire, à la SCP Spinosi, avocat de la société NGE Infranet et à la SCP Rocheteau - Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Serpollet.
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le syndicat intercommunal d'énergies du département de la Loire, désormais dénommé " SIEL Territoire d'énergie Loire ", a confié les lots n°s 16 et 17 d'un marché public de travaux portant sur le réseau de desserte en fibre optique au groupement d'entreprises solidaires composé des sociétés Serpollet (mandataire), Serpollet.com et SERP. Cette dernière a sous-traité la réalisation de prestations portant sur les points de mutualisation n°s 161, 170 et 171 à la société AEGE Réseaux, devenue NGE Infranet. Le SIEL Territoire d'énergie Loire a accepté ce sous-traitant et agréé ses conditions de paiement pour les prestations concernant les points de mutualisation n°s 170 et 171. Le SIEL Territoire d'énergie Loire ayant refusé de procéder au paiement direct de sommes réclamées par la société NGE Infranet, cette dernière a demandé au tribunal administratif de Lyon de le condamner à lui verser les sommes de 42 963,91 euros, 110 254,37 euros et 231 145,50 euros toutes taxes comprises au titre des travaux portant respectivement sur les points de mutualisation n°s 170, 171 et 161. Par un jugement du 9 juillet 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Sur appel de la société NGE Infranet, la cour administrative d'appel de Lyon a, par un arrêt du 22 septembre 2022, partiellement fait droit à ses conclusions en condamnant le SIEL Territoire d'énergie Loire à verser à la société une somme de 42 963,91 euros toutes taxes comprises au titre des prestations qu'elle a réalisées pour le point de mutualisation n° 170. Le SIEL Territoire d'énergie Loire se pourvoit en cassation contre cet arrêt dans cette mesure. Par la voie du pourvoi incident, la société NGE Infranet demande l'annulation de l'article 4 du même arrêt par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté le surplus de ses conclusions tendant au paiement direct par le SIEL Territoire d'énergie Loire des prestations qu'elle a réalisées au titre des points de mutualisation n°s 161 et 171.
Sur le pourvoi principal du SIEL Territoire d'énergie Loire :
2. Aux termes de l'article 6 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance : " Le sous-traitant direct du titulaire du marché qui a été accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l'ouvrage, est payé directement par lui pour la part du marché dont il assure l'exécution (...) ". Aux termes de l'article 8 de la même loi : " L'entrepreneur principal dispose d'un délai de quinze jours, comptés à partir de la réception des pièces justificatives servant de base au paiement direct, pour les revêtir de son acceptation ou pour signifier au sous-traitant son refus motivé d'acceptation. / Passé ce délai, l'entrepreneur principal est réputé avoir accepté celles des pièces justificatives ou des parties de pièces justificatives qu'il n'a pas expressément acceptées ou refusées. / Les notifications prévues à l'alinéa 1er sont adressées par lettre recommandée avec accusé de réception ". Aux termes de l'article 116 du code des marchés publics alors en vigueur : " Le sous-traitant adresse sa demande de paiement libellée au nom du pouvoir adjudicateur au titulaire du marché, sous pli recommandé avec accusé de réception (...) / Le titulaire dispose d'un délai de quinze jours à compter de la signature de l'accusé de réception ou du récépissé pour donner son accord ou notifier un refus, d'une part, au sous-traitant et, d'autre part, au pouvoir adjudicateur (...) / Le sous-traitant adresse également sa demande de paiement au pouvoir adjudicateur (...), accompagnée des factures et de l'accusé de réception ou du récépissé attestant que le titulaire a bien reçu la demande ou de l'avis postal attestant que le pli a été refusé ou n'a pas été réclamé. / Le pouvoir adjudicateur (...) adresse sans délai au titulaire une copie des factures produites par le sous-traitant. / Le pouvoir adjudicateur procède au paiement du sous-traitant (...) / Le pouvoir adjudicateur informe le titulaire des paiements qu'il effectue au sous-traitant ".
3. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, pour obtenir le paiement direct par le maître d'ouvrage de tout ou partie des prestations qu'il a exécutées dans le cadre de son contrat de sous-traitance, le sous-traitant régulièrement agréé doit adresser sa demande de paiement direct à l'entrepreneur principal, titulaire du marché. Il appartient ensuite au titulaire du marché de donner son accord à la demande de paiement direct ou de signifier son refus dans un délai de quinze jours à compter de la réception de cette demande. Le titulaire du marché est réputé avoir accepté cette demande s'il garde le silence pendant plus de quinze jours à compter de sa réception. A l'issue de cette procédure, le maître d'ouvrage procède au paiement direct du sous-traitant régulièrement agréé si le titulaire du marché a donné son accord ou s'il est réputé avoir accepté la demande de paiement direct. Cette procédure a pour objet de permettre au titulaire du marché d'exercer un contrôle sur les pièces transmises par le sous-traitant et de s'opposer, le cas échéant, au paiement direct. Sa méconnaissance par le sous-traitant fait ainsi obstacle à ce qu'il puisse se prévaloir, auprès du maître d'ouvrage, d'un droit à ce paiement. Le refus motivé du titulaire du marché d'accepter la demande de paiement direct du sous-traitant, notifié dans le délai de quinze jours à compter de sa réception, fait également obstacle à ce que le sous-traitant puisse se prévaloir, auprès du maître d'ouvrage, d'un droit à ce paiement.
4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société NGE Infranet a adressé au SIEL Territoire d'énergie Loire une demande de paiement direct au titre des prestations effectuées pour les points de mutualisation n°s 170, 171 et 161 par un courrier du 7 mai 2018 reçu par le maître d'ouvrage le 11 mai 2018 et par la société Serpollet, mandataire du groupement titulaire, le 14 mai 2018. Or la société SERP, membre du groupement titulaire qui a contracté avec ce sous-traitant, a manifesté son opposition expresse et motivée à ce paiement, d'une part, par un courrier du 18 mai 2018 adressé au SIEL Territoire d'énergie Loire et, d'autre part, par un courrier de la même date adressé à la société NGE Infranet, tous deux reçus le 23 mai 2018, soit dans le délai de quinze jours imparti par les dispositions mentionnées au point 2. Le titulaire du marché ayant ainsi notifié son refus motivé d'accepter la demande de paiement direct formée par la société NGE Infranet dans le délai de quinze jours qui lui était imparti, le SIEL Territoire d'énergie était, par suite, fondé, pour ce seul motif, qu'il avait d'ailleurs opposé à la société NGE Infranet dès son courrier du 24 mai 2018 rejetant sa demande de paiement direct, à refuser de procéder à ce paiement. Par suite, le SIEL Territoire d'énergie est fondé à soutenir, par ce moyen qui, contrairement à ce qui est soutenu en défense, n'est pas soulevé pour la première fois en cassation, qu'en le condamnant à verser la somme de 42 963,91 euros toutes taxes comprises à la société NGE Infranet au titre des prestations qu'elle a réalisées pour le point de mutualisation n° 170, la cour administrative d'appel de Lyon a commis une erreur de droit.
5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, que les articles 1er, 2 et 3 de l'arrêt attaqué doivent être annulés.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond, dans cette mesure, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
7. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 et 4 que le refus opposé par le titulaire du marché à la demande de paiement direct formée par la société NGE Infranet au titre des prestations qu'elle a réalisées pour le point de mutualisation n° 170 faisait obstacle à ce que cette société puisse se prévaloir, auprès du maître d'ouvrage, d'un droit à ce paiement et que le SIEL Territoire d'énergie était fondé à refuser de procéder au paiement direct pour ce seul motif. Par suite, les moyens soulevés par la société NGE Infranet tendant à démontrer le bien-fondé de sa créance sont inopérants.
8. Il résulte de ce qui précède que la société NGE Infranet n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande au titre des prestations qu'elle a réalisées pour le point de mutualisation n° 170.
Sur le pourvoi incident de la société NGE Infranet :
En ce qui concerne les travaux portant sur le point de mutualisation n° 161 :
9. Les conclusions du pourvoi incident de la société NGE Infranet dirigées contre l'arrêt attaqué en tant qu'il a rejeté ses conclusions au titre des prestations qu'elle a réalisées pour le point de mutualisation n° 161 soulèvent un litige distinct de celui qui fait l'objet du pourvoi principal dès lors que ces prestations relèvent d'un contrat de sous-traitance différent de celui portant sur le point de mutualisation n° 170 en cause dans le pourvoi principal. Elles sont par suite irrecevables.
En ce qui concerne les travaux portant sur le point de mutualisation n° 171 :
10. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 et 4 que le refus opposé par le titulaire du marché par courriers du 18 mai 2018 à la demande de paiement direct formée par la société NGE Infranet, qui concernait aussi les prestations réalisées, dans le cadre du même contrat de sous-traitance que le point n° 170, au titre du point de mutualisation n° 171, faisait obstacle à ce que cette société puisse se prévaloir, auprès du maître d'ouvrage, d'un droit à ce paiement. Ce motif, qui répond aux moyens invoqués devant les juges du fond et dont l'examen n'implique l'appréciation d'aucune circonstance de fait nouvelle, doit être substitué au motif retenu par l'arrêt attaqué pour rejeter les conclusions présentées par la société NGE Infranet à ce titre. Par suite, le surplus du pourvoi incident de cette société doit être rejeté.
Sur les frais de l'instance :
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société NGE Infranet la somme de 3 000 euros à verser au SIEL Territoire d'énergie Loire au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les mêmes dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par la société NGE Infranet au même titre, ainsi qu'à celles de la société Serpollet qui n'a pas la qualité de partie dans la présente instance.
D E C I D E :
Article 1er : Les articles 1er, 2 et 3 de l'arrêt du 22 septembre 2022 de la cour administrative d'appel de Lyon sont annulés.
Article 2 : Le pourvoi incident de la société NGE Infranet est rejeté.
Article 3 : Les conclusions présentées par la société NGE Infranet devant la cour administrative d'appel de Lyon au titre des prestations qu'elle a réalisées pour le point de mutualisation n° 170 sont rejetées.
Article 4 : La société NGE Infranet versera au SIEL Territoire d'énergie Loire une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la société NGE Infranet et par la société Serpollet sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée au Syndicat intercommunal d'énergies du département de la Loire (SIEL Territoire d'énergie Loire) et à la société NGE Infranet.
Référence : Arrêt du Conseil d’Etat n° 469071 du 17 octobre 2023.
De simples fournitures au titulaire du marché ne relèvent pas de la sous-traitance
La commune de Viry-Châtillon (Essonne, 30 831 habitants) conclut un marché public de travaux portant notamment sur la réhabilitation de trois écoles maternelles. Le titulaire du marché confie à un prestataire la fabrication des menuiseries. La commune agrée ce sous-traitant et accepte ses conditions financières. Le titulaire du marché soutient finalement que l’entreprise ne peut pas se prévaloir de la qualité de sous-traitant car elle n’a fait que lui livrer des fournitures lui permettant d’exécuter le contrat. Si tel est le cas, en effet, il n’y a pas sous-traitance. Mais il n’en est rien : la société a fourni des menuiseries présentant des spécifications techniques déterminées conformément au cahier des clauses techniques particulières et fabriquées spécialement pour les besoins du marché, et elle est intervenue sur le chantier pour participer à leur pose. Il s’agit donc bien d'un contrat de sous-traitance et le sous-traitant a droit à être payé directement par le maître d'ouvrage pour la part du marché dont il assure l'exécution.
(CE 17/10/2023, n° 465913, mentionné dans les tables du recueil Lebon).
Le maître d’ouvrage doit refuser de payer le sous-traitant si le titulaire du marché s’y oppose
Le syndicat intercommunal d'énergies du département de la Loire confie à une entreprise un marché public de travaux portant sur le réseau de desserte en fibre optique. L’entreprise sous-traite certains travaux à une autre entreprise, agréée par le syndicat, qui accepte ses conditions financières. Le sous-traitant demande le paiement direct au syndicat, qui refuse. Il a raison. Une fois que le sous-traitant a réalisé sa prestation, il communique les pièces justificatives servant de base au paiement direct au maître d’ouvrage et au titulaire du marché. Ce dernier a 15 jours pour accepter le paiement ou le refuser (son silence valant acceptation)*. Le titulaire du marché ayant manifesté son refus exprès du paiement, le syndicat devait refuser de payer le sous-traitant.
(CE 17/10/2023, n° 469071, mentionné dans les tables du recueil Lebon).
*art. 8 loi du 31/12/1975.
Michel Degoffe le 14 novembre 2023 - n°2294 de La Lettre du Maire
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