Arrêt de la cour administrative d’appel de Toulouse n° 22TL20790 du 6 juin 2024
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d’annuler, d’une part, la décision du 30 avril 2020 par laquelle le président du syndicat des eaux Durance-Ventoux, anciennement dénommé syndicat intercommunal des eaux de la région Durance-Ventoux, a refusé d’abroger les délibérations du 23 juin 2004 et du 9 janvier 2018 par lesquelles le comité syndical a refusé la réalisation sur le réseau public d’eau potable de tout branchement définitif non destiné à la consommation humaine et approuvé le règlement du service de l’eau, d’autre part, la délibération du 9 janvier 2018 du même comité syndical en tant qu’il adopte les tarifs de vente d’eau aux abonnés du service.
Par un jugement n° 2001769 du 31 janvier 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 mars 2022, et deux mémoires complémentaires enregistrés le 21 avril 2022 et le 3 novembre 2023, M. B..., représenté par Me Baheux, demande à la cour :
1°) d’annuler ce jugement ;
2°) d’annuler la décision du 30 avril 2020 ;
3°) d’enjoindre au syndicat des eaux Durance-Ventoux d’abroger la délibération du 23 juin 2004 et le règlement du service de l’eau en ce qu’il ne prévoit pas la possibilité de solliciter l’octroi d’un branchement spécifique ;
4°) de mettre à la charge du syndicat des eaux Durance-Ventoux une somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que sa minute n’est pas signée ;
- le règlement du service public de l’eau potable et la délibération du 23 juin 2004 sont entachés d’incompétence ;
- ils ne sont pas exécutoires ;
- ils méconnaissent les dispositions de l’article R. 2224-19-2 du code général des collectivités territoriales qui oblige la collectivité gestionnaire de l’eau potable à instituer des branchements spécifiques destinés à permettre l’arrosage des jardins ;
- ils ne permettent pas aux usagers d’acquitter des redevances proportionnelles à leur utilisation du service ;
- les motifs du refus de tout branchement définitif non destiné à la consommation humaine sont entachés d’erreurs de fait et de droit ;
- ils créent une situation d’inégalité devant le service public et les charges publiques en ne permettant pas aux usagers du service public de l’assainissement de payer des redevances proportionnelles à leur utilisation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 octobre 2023, le syndicat des eaux Durance-Ventoux, représenté par Me Allegret-Dimanche, conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. B... sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 17 octobre 2023, la clôture d’instruction a été fixée au 28 novembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi du 5 avril 1884 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
- le rapport de M. Lafon,
- les conclusions de M. Clen, rapporteur public,
- et les observations de Me Allegret-Dimanche pour le syndicat des eaux Durance-Ventoux.
Considérant ce qui suit :
1. Par deux délibérations du 23 juin 2004 et du 9 janvier 2018, le comité syndical du syndicat intercommunal des eaux de la région Durance-Ventoux, devenu syndicat des eaux Durance-Ventoux, a, d’une part, refusé la réalisation sur le réseau public d’eau potable de tout branchement définitif non destiné à la consommation humaine, d’autre part, approuvé le règlement du service de l’eau réitérant ce refus et adopté les tarifs de vente d’eau aux abonnés du service. Par courrier du 19 février 2020, M. B..., qui souhaite être autorisé à installer un branchement spécifique lui permettant d’arroser les espaces verts de sa propriété située à Gordes (Vaucluse), afin de bénéficier des dispositions de l’article R. 2224-19-2 du code général des collectivités territoriales selon lesquelles les volumes d’eau utilisés à cette fin et dans ces conditions n’entrent pas en compte dans le calcul de la redevance d’assainissement, a notamment demandé au syndicat d’abroger la délibération du 23 juin 2004 et le règlement du service de l’eau. Par une décision du 30 avril 2020, le président du syndicat des eaux Durance-Ventoux a refusé d’y faire droit. M. B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d’annuler cette décision et la délibération du 9 janvier 2018 en ce qu’elle adopte les tarifs de vente d’eau. Sans désormais contester la fixation même de ces tarifs, il fait appel du jugement du 31 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l’article R. 741-7 du code de justice administrative : « Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d’audience ». La minute du jugement contesté a été signée par le président de la formation de jugement, la rapporteure ainsi que la greffière d’audience. Par suite, le moyen tiré du caractère irrégulier du jugement contesté, faute de signature de la minute, manque en fait et doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. En premier lieu, aux termes de l’article 169 de la loi du 5 avril 1884 relative à l’organisation municipale, complétée par la loi du 22 mars 1890 sur les syndicats des communes, modifiée par la loi du 13 novembre 1917 et applicable à la date de la constitution du syndicat intercommunal des eaux de la région Durance-Ventoux : « Lorsque les conseils municipaux de deux ou plusieurs communes d’un même département ont fait connaître, par des délibérations concordantes, leur volonté d’associer les communes qu’ils représentent pour des œuvres d’utilité intercommunale et qu’ils ont décidé de consacrer à cette œuvre des ressources suffisantes, les délibérations prises sont soumises au préfet, qui, sur l’avis du conseil général, décide s’il y a lieu d’autoriser, dans le département, la création du syndicat (...) ». La constitution d’un syndicat mixte par accord des communes est désormais prévue par le premier alinéa de l’article L. 5721-2 du code général des collectivités territoriales.
4. Il ressort des pièces du dossier que, par une délibération du 8 octobre 1946, le conseil municipal de Gordes a décidé de donner l’adhésion définitive de la commune à la constitution d’un syndicat de communes ayant pour objet l’étude, la réalisation et l’exploitation d’un projet intercommunal d’alimentation collective en eau potable, basé sur l’utilisation des eaux de la nappe alluviale de la Durance. Par un arrêté du 26 novembre 1946, le préfet de Vaucluse a en conséquence décidé la constitution du syndicat intercommunal des eaux de la région Durance-Ventoux et lui a transféré la compétence relative à l’alimentation collective en eau potable des communes le constituant. L’article 5 de cet arrêté précisait qu’il ferait l’objet d’une publication au bulletin administratif des mairies. Cette disposition permet de présumer de ce que la publication prescrite avait été effectivement mise en œuvre. Dès lors que M. B... se borne à se prévaloir de l’absence de justification de la publication de cet arrêté, sans assortir ses allégations d’aucun élément de nature à renverser cette présomption, le syndicat intimé doit être regardé comme apportant la preuve de son caractère exécutoire. Par ailleurs, la même compétence de distribution d’eau potable a été ensuite transférée au syndicat des eaux Durance-Ventoux, syndicat mixte fermé constitué après approbation des conseil municipaux compétents. Dans l’ensemble de ces conditions, le comité syndical du syndicat intercommunal des eaux de la région Durance-Ventoux, devenu syndicat des eaux Durance-Ventoux, était compétent pour refuser, par délibération du 23 juin 2004, la réalisation sur son réseau public d’eau potable de tout branchement définitif non destiné à la consommation humaine et pour approuver, par délibération du 9 janvier 2018, le règlement du service de l’eau.
5. En deuxième lieu, la circonstance que les délibérations du 23 juin 2004 et du 9 janvier 2018 ne seraient pas exécutoires, faute d’avoir été publiées et transmises au contrôle de légalité, est, à la supposer établie, sans incidence sur leur légalité. Elle ne peut dès lors être utilement invoquée pour demander l’annulation du refus d’abroger ces délibérations.
6. En troisième lieu, aux termes de l’article R. 2224-19-2 du code général des collectivités territoriales : « La redevance d’assainissement collectif comprend une partie variable et, le cas échéant, une partie fixe. / La partie variable est déterminée en fonction du volume d’eau prélevé par l’usager sur le réseau public de distribution ou sur toute autre source, dont l’usage génère le rejet d’une eau usée collectée par le service d’assainissement. Ce volume est calculé dans les conditions définies aux articles R. 2224-19-3 et R. 2224-19-4. / La partie fixe est calculée pour couvrir tout ou partie des charges fixes du service d’assainissement. / Les volumes d’eau utilisés pour l’irrigation et l’arrosage des jardins, ou pour tout autre usage ne générant pas une eau usée pouvant être rejetée dans le système d’assainissement, dès lors qu’ils proviennent de branchements spécifiques, n’entrent pas en compte dans le calcul de la redevance d’assainissement (...) ».
7. Les dispositions citées au point 6 se bornent à prévoir que les volumes d’eau utilisés pour tout usage ne générant pas une eau usée pouvant être rejetée dans le système d’assainissement et provenant de branchements spécifiques n’entrent pas en compte dans le calcul de la redevance d’assainissement. Elles ne prévoient pas une obligation d’installation de tels branchements pour assurer l’alimentation en eau utilisée pour ce type d’usage.
8. En quatrième lieu, le requérant ne peut utilement se prévaloir de ce que les dispositions des délibérations litigieuses critiquées en appel, dont l’objet n’est pas de fixer une quelconque tarification, ne permettraient pas aux usagers d’acquitter des redevances proportionnelles à leur utilisation du service.
9. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment de la motivation de la délibération du 23 juin 2004, que le syndicat des eaux Durance-Ventoux a refusé la réalisation sur le réseau public d’eau potable de tout branchement définitif non destiné à la consommation humaine, au motif que les branchements sont des points potentiels de perte d’eau, que le bénéfice de l’exonération de la redevance d’assainissement prévue par l’article R. 2224-19-2 du code général des collectivités territoriales pourrait être à l’origine d’un accroissement sensible des volumes livrés d’eau potable, dont les prélèvements sont limités, qu’admettre le principe d’un « deuxième branchement » contraindrait à surdimensionner l’ensemble des équipements et qu’il existe un risque de pertes importantes de recettes pour le service d’assainissement. D’une part, le syndicat pouvait, sans erreur de droit, fonder cette décision sur des motifs tirés de la bonne gestion et de la préservation de la qualité du service d’adduction d’eau. D’autre part, les motifs retenus en l’espèce ne sont entachés d’aucune contradiction. Par ailleurs, M. B... n’apporte aucun élément permettant d’établir que l’ensemble des usagers du syndicat utilisent déjà l’eau potable pour arroser leurs jardins. Il ne démontre pas davantage que le coût des consommations est, à lui-seul et indépendamment de celui de la redevance d’assainissement, de nature à limiter toute consommation excessive en eau potable. Enfin, il ne conteste pas sérieusement la nécessité d’une consommation limitée en eau, en particulier celle qui est destinée à la consommation humaine. Dans ces conditions, le comité syndical a pu, sans entacher ses délibérations ni d’erreur de fait, ni en tout état de cause d’erreur d’appréciation de la pertinence de branchements définitifs non destinés à une telle consommation, en refuser l’installation.
10. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que le refus de tout branchement définitif non destiné à la consommation humaine s’applique à la totalité du réseau public du syndicat des eaux Durance-Ventoux et à l’ensemble de ses usagers. Par ailleurs, le principe d’égalité n’impliquant pas que des usagers se trouvant dans des situations différentes soient soumis à des régimes différents, les auteurs des délibérations litigieuses ne sauraient en tout état de cause avoir méconnu ce principe en s’abstenant de prévoir l’installation de branchements spécifiques pour tout usage ne générant pas une eau usée pouvant être rejetée dans le système d’assainissement. Enfin, les parcelles voisines de la propriété de M. B..., qui bénéficient d’un raccordement à l’eau d’arrosage de jardins par la société du canal de Provence, qui distribue d’ailleurs une eau d’irrigation agricole impropre à la consommation humaine, sont rattachées à un réseau distinct. Dans l’ensemble de ces conditions, le refus litigieux, alors même qu’il conduit à ce que M. B..., faute de branchement spécifique, doive acquitter la redevance d’assainissement à raison de volumes d’eau utilisés pour l’irrigation et l’arrosage des jardins, ne méconnaît pas le principe d’égalité des usagers devant le service public.
11. Il résulte de ce qui précède que M. B... n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d’injonction.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du syndicat des eaux Durance-Ventoux, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de M. B... le versement au syndicat des eaux Durance-Ventoux de la somme de 1 500 euros en application de ces dispositions.
Décide :
Article 1er : La requête présentée par M. B... est rejetée.
Article 2 : M. B... versera au syndicat des eaux Durance-Ventoux la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... et au syndicat des eaux Durance-Ventoux.
Référence : Arrêt de la cour administrative d’appel de Toulouse n° 22TL20790 du 6 juin 2024.
Michel Degoffe le 02 juillet 2024 - n°2324 de La Lettre du Maire
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